L’investissement ESG a connu une croissance phénoménale au cours des dernières années et occupe désormais une place de choix dans les portefeuilles des investisseurs. De nouveaux défis se posent alors pour construire des portefeuilles efficients :
- Y a-t-il des raisons économiques et fondamentales pour que ce vif intérêt persiste à l’avenir ?
- Peut-on parler de l’ESG comme d’un facteur de risque avec une prime correspondante, sur la base d’une analyse des rendements passés.
- Enfin, existe-t-il une solution pour relever les défis du benchmarking traditionnel dans l’allocation d’actifs basée sur l’ESG ?
Où ira l’argent : Le raisonnement qui sous-tend la persistance de l’engouement pour l’investissement ESG à l’avenir
Les plans d’investissement massifs des gouvernements sont sur le point d’avoir un impact sur les économies de la plupart des pays développés et des pays émergents. Ces investissements sont principalement liés à la transition énergétique. Les États-Unis déploient des marchés publics pour doubler leur capacité d’énergie solaire en 10 ans ainsi que des subventions généreuses pour construire des usines vertes qui créent des emplois avec de meilleurs salaires. Dans le passé, cela a permis à l’électricité renouvelable de devenir plus rentable que l’énergie provenant des combustibles fossiles (lire l’article complet du FT). Ces bénéfices verts ne sont toutefois pas le fruit du hasard. Les incitations gouvernementales – qu’il s’agisse de carottes, comme les subventions, ou de bâtons, comme les prix du carbone – ont permis de réorienter les capitaux pour y parvenir. Au total, les carottes industrielles de la Chine ont permis de multiplier par 500 la production de panneaux solaires photovoltaïques entre 2000 et 2016. Regardons le changement important de la compétitivité de l’électricité renouvelable par rapport aux options de combustibles fossiles. Entre 2010 et 2021, les coûts de l’électricité solaire photovoltaïque ont chuté de 88 %, ce qui les place désormais en dessous des coûts de l’électricité produite à partir de combustibles fossiles, comme l’indique le graph ci-dessous À ces prix, l’énergie solaire photovoltaïque est plus rentable pour les centrales électriques que l’électricité produite à partir de charbon ou de gaz.
Cet engagement fort envers la transition énergétique pourrait avoir un impact sur les performances futures des investissements ESG, mais qu’en est-il des performances passées des investissements ESG par rapport aux investissements plus traditionnels ?
Peut-on parler de l’ESG comme d’un facteur de risque avec une prime correspondante, sur la base d’une analyse des rendements passés :.
Comment les investissements ESG se sont comportés dans le passé ? Des résultats ambivalents et hétérogènes:
Pour répondre à cette question, nous avons examiné les rendements des actions dans les trois principales régions, à savoir les États-Unis, l’Europe et les marchés émergents. Pour des raisons de comparabilité, nous avons choisi d’examiner la sur/sous-performance des indices MSCI SRI par rapport à leurs équivalents MSCI traditionnels.
Si nous examinons chacune de ces trois régions séparément, nous trouverons des résultats différents.
Marchés d’actions européens
Si l’on examine les 10 marchés d’actions développés de l’UEM (Union économique et monétaire européenne), en utilisant le MSCI EMU NR LCL et le MSCI EMU SRI NR LCL, on constate qu’il y a une surperformance significative – plus de 2 % – des investissements ISR par rapport aux investissements non ISR en moyenne sur les dix dernières années (2013 à 2022). Cela a conduit à une différence de 32 % sur la même période.
Marchés d’actions émergents
La même observation s’applique (pour un investisseur de la zone euro) aux actions des marchés émergents lorsque l’on compare la performance du MSCI EM SRI NR EUR à celle du MSCI EM NR EUR, avec une surperformance annuelle moyenne de 2,3 % par an au cours des 10 dernières années et une surperformance totale de 38 %.
Marchés d’actions américains
L’histoire n’est pas du tout la même pour les actions américaines, le MSCI USA SRI NR LCL sous-performe significativement le MSCI USA NR USD sur les 10 dernières années, principalement en raison des faibles rendements consécutifs en 2014 et 2015. Cela peut s’expliquer par le fait que les indices ISR sont construits sur l’exclusion et peuvent avoir eu une exposition moins importante aux secteurs qui ont surperformé en 2014 et 2015, mais aussi par un intérêt moindre des investisseurs institutionnels de la région pour les questions ESG par rapport à leurs homologues européens, comme l’expliquent Leila Bennani et al dans « How ESG Investing Has Impacted the Asset Pricing in the Equity Market ». Selon l’Alliance mondiale pour l’investissement durable (2017), l’Europe est le premier marché ESG et représente plus de la moitié des actifs mondiaux qui sont gérés à l’aide de stratégies ESG. L’analyse des flux de Marlène Hassine Konqui (accéder à l’article complet) met en évidence l’écart entre le poids des investissements ESG dans les portefeuilles des investisseurs institutionnels européens et le poids des investissements ESG dans ceux des investisseurs américains.
L’ESG est le nouveau facteur :
Nos résultats sont également cohérents avec les conclusions du même article qui montre que dans le passé, l’ESG est devenu un facteur de risque majeur dans la zone euro et moins aux États-Unis. « L’ESG contribue à améliorer la diversification des portefeuilles multifactoriels dans la zone euro. En Amérique du Nord, les résultats sont ambivalents ». Toutefois, dans une approche prospective, l’ESG peut constituer l’un des principaux facteurs de risque dans les deux régions : « L’intégration de l’ESG dans un cadre d’investissement factoriel est plus déroutante. Dans une perspective rétrospective, l’ESG ne semble pas être un nouveau facteur de risque en Amérique du Nord, alors que l’ESG pourrait améliorer la diversification des portefeuilles multifactoriels dans la zone euro. Dans une perspective, l’ESG semble être un candidat très sérieux pour rejoindre le club très fermé des facteurs de risque qui expliquent la section transversale des rendements boursiers. »
Enfin, existe-t-il une solution pour relever les défis du benchmarking traditionnel dans l’allocation d’actifs basée sur l’ESG ?
Un grand nombre d’investisseurs institutionnels préfèrent mettre en œuvre l’investissement ESG en utilisant des portefeuilles de référence optimisés afin de s’adapter à leur politique d’allocation stratégique d’actifs (ASA). Par exemple, ils définissent généralement un portefeuille ASA basé sur des indices de capitalisation boursière et surveillent leurs investissements en calculant l’écart de suivi entre le portefeuille investi et le portefeuille stratégique. Leila Bennani et al dans « How ESG Investing Has Impacted the Asset Pricing in the Equity Market » montrent que, dans le cas de l’indice MSCI World, améliorer le score ESG de 0,5 implique d’accepter un écart de suivi important de 32 points de base en moyenne. Être un investisseur ESG nécessite de prendre un risque important de tracking error. Ce résultat souligne la nécessité de développer une politique d’allocation stratégique basée sur les critères ESG ainsi que des indices actions basés sur les critères ESG comme seul moyen d’éviter d’être limité par le cadre traditionnel de benchmarking pondéré par les capitalisations. MSCI a développé une approche de benchmarking parallèle intéressante pour aborder cette question, notamment concernant les objectifs climatiques (accédez à l’article complet de MSCI ici).
Ahmed Khelifa, CFA
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